Peinture acrylique sur toile.
67 x 67 cm.
2024.
Dann la nwit / William Pougary
À La Réunion, nous sommes 885 700 habitant·e·s pour plus de 422 000 voitures en circulation. C’est un véhicule qui occupe une place importante dans la culture locale. Pour certain·e·s, c’est un simple moyen de transport mais pour d’autres, c’est un culte, un objet social et sacré. Sur l’île, on se retrouve vite bloqué·e sans permis ou sans voiture, on peut donc le voir comme un symbole de liberté et d’émancipation.
« Les cousins qui avaient le permis et une voiture, souvent des anciens modèles de Peugeot ou de Citroën tels que les ZX, des 205, 306 modifiées, nous faisaient rêver. Le son à fond, ils nous emmenaient en balade dans des rassemblements, il n’en fallait pas plus pour nous rendre heureux·ses. On allait souvent à "la pouss", les runs sauvages le soir dans les zones industrielles de l’ouest, notamment Cambaie, emblématique ici. Cet amour de la vitesse, des sensations et des belles mécaniques persiste dans notre culture aujourd’hui. Il y avait aussi une bonne ambiance de partage, d’échange et de convivialité, bien que "la pouss" soit un phénomène illégal. Il arrivait toujours le moment où la gendarmerie ou la police arrivait, bloquait les accès et prenait en chasse les fuyard·e·s… »
Passionné d’automobile depuis l’enfance, William souhaite avant tout retranscrire un mode vie, des moments et espaces de rassemblements. Il dépeint la puissance du quotidien et met en lumière une réalité de la jeunesse réunionnaise qui reste invisibilisée aujourd’hui. Cette exposition s’inscrit dans un travail plus global, son projet « la Kour ». Influencé par des artistes comme Hélène Verhoeven mais aussi Primate Nggz, on retrouve dans ses peintures les codes de l’univers hip-hop.
Au cours de sa formation, William décide de s’éloigner du dessin afin de se détacher de son aspect trop lisse et minutieux. Aujourd’hui il travaille à partir de photographies prises spontanément ou récupérées avec ses proches. Il s’en sert comme un outil pour traiter l’image par la matière, créant un dialogue perpétuel entre la photographie et la peinture. Cette matière, la texture et le geste deviennent des moyens de retranscrire l’énergie des moments vécus.
« Le mot "paysage" pour moi est un très grand mot, vaste, lourd de sens. Il ne désigne pas que la nature, les arbres, etc., mais les gens, tous les êtres, les ambiances, les objets qui occupent l’environnement. »
William sort des clichés de la peinture de paysage et de la vision très fantasmée qu’on pourrait en avoir. Il nous présente un tableau loin de la nature sauvage et luxuriante, mais bien urbain et populaire. De sa démarche ressort l’envie de créer un art plus inclusif où tout le monde a sa place.
L’exposition SILAROUT’ de William Pougary est soutenu par La Semeuse, dispositif de professionnalisation de l'ESA Réunion, financé par le Ministère de la Culture-DAC Réunion.
« William est peintre de paysage à n'en pas douter, mais de paysage urbain. Comme un contre-pied à son ile, il prend le parti de montrer le quotidien de la «Kour». Il faut ici oublier les paysages de carte postale et voir dans cette expression picturale une photographie de la réalité. Instant figé, l'image traduit une époque, celle d'un jeune artiste, de ses amis, de sa famille, de son environnement, de son espace social. C'est ces différentes constituantes qui font du travail de William Pougary une expression contemporaine. Dans une forme d'héritage et de filiation à Edward Hopper, David Hockney, Henry Taylor, Justin Mortimer, ou encore Sebas Velasco, il fait des scènes les plus banales de la vie réunionnaise de grands moments de peinture. »
Julien Cadoret directeur de l'École Supérieur d'Art de La Réunion.